Extrait d’interview de Catherine Millet Extrait d’interview de Germain Viatte

 

Témoignage de Claude-Louis Renard :

« En 1967, je proposai au Président de créer « Recherches Art et Industrie » un service ayant pour objectif de développer une politique d’incitation à la création. La plupart des gens que je fréquentais à l’époque et qui avaient fait des études brillantes ne connaissaient pas l’art contemporain. Ce n’était donc peut-être pas complètement stupide de se dire que l’on pourrait disposer d’un certain nombre d’oeuvres d’art, à l’intérieur de territoires où les gens sont obligés de passer 60 heures par semaine. Les œuvres d’art pourraient leur apporter quelque chose sans qu’il s’agisse de faire aimer Picasso, Matisse ou un autre. Je pensai qu’un véritable travail de médiation devait être inventé et expérimenté, respectant la spécificité de chacun.

Dans cet esprit, il m’a semblé qu’il s’agissait d’abord de mettre en rapport, de façon ponctuelle, certains artistes et des hommes de l’entreprise sur des questions concrètes et précises, loin de toute discussion théorique. J’étais persuadé que ces activités étaient tout à fait envisageables, et qu’une cellule de travail pouvait être constituée sans délai, ce dont évidemment il me fallait persuader les uns et les autres. Tout ceci n’aurait d’évidence pas pris corps si je n’avais pu convaincre le Président, Pierre Dreyfus, et la Direction Générale notamment Christian Beullac.

 

Accumulation Spirale Renault 101, 1967 copyright Druck Verlag Gmbh Kassel

L’aventure commença lorsque Iléana Sonnabend demanda à René Drouin de me contacter pour savoir s’il y aurait une possibilité pour Arman de venir travailler dans l’usine. En effet, attiré par le monde industriel contemporain, Arman avait décidé, au début de l’année 1967, de développer plus particulièrement son œuvre à partir d’éléments issus de cet univers. Dans cette perspective, il a pu découvrir dans les ateliers et les laboratoires des formes habituellement ignorées, telles qu’elles apparaissent au détour des différentes étapes de l’élaboration des pièces.

 

La mise en route de cette politique d’incitation à la création se concrétisa ensuite par quatre projets, dont le premier, celui de Jean-Michel Sanejouand pour la Vallée de la Seine, témoignait de la volonté de Renault de ne pas se laisser enfermer dans des travaux liés directement à des objets ou à des techniques industrielles, et permettait à son auteur d’étendre à une autre échelle ses recherches « d’organisations d’espace », et d’en montrer les résultats dans les salles et les jardins du Centre National d’Art Contemporain, rue Berryer à Paris, ainsi qu’à Anvers.

 

 

Travaux sur face avant estafette, projet pour une exposition (metal)

 

Jean-Pierre Raynaud conçut un premier projet d’exposition proche des psycho-objets d’alors, qu’il abandonna, pour la réalisation d’oeuvres très différentes qui furent présentées au Musée des Arts Décoratifs à Paris.

J’avais demandé à Alain Jacquet de concevoir pour nous un projet inédit. A partir de nombreux éléments identiques de tôle emboutie, il exécuta une suite de variations sur papier, puis avec les tôles elles-mêmes et d’autres matériaux.

 

Antisculpture 6, 190 x 180 x 75 cm, 1972-1973

 

Le quatrième projet fut celui de Jean Dewasne, qui souhaitait profiter de l’intervention d’une entreprise industrielle pour disposer d’éléments aux formes complexes et de grandes dimensions qu’il trouva dans l’usine de camions de Blainville, qu’il peignit et qui devinrent ses  Antisculptures. Il faut noter que les oeuvres réalisées dans le cadre de ces premières incitations restèrent toutes la propriété des artistes, les budgets très limités dont nous disposions devant être exclusivement réservés au financement de leurs travaux.