Témoignage de 1995, Pierre Souleil (Directeur financier) :

 

« Lorsque Renault s’est installé dans son nouveau siège, en Février 1974, j’ai découvert les intégrations à l’architecture d’œuvres de grande qualité d’artistes déjà confirmés. J’ai appris alors qu’il existait un service « Art et Industrie » depuis quelques années, dirigé par Monsieur Claude-Louis Renard, dont la vocation était de rapprocher le milieu artistique, les créateurs, du milieu industriel. Dans le même temps, sans que cela ne soit formalisé, du moins à ma connaissance, j’ai compris que l’on envisageait sérieusement la création d’une Fondation.

Renault venant de faire un effort financier important pour la construction du siège, les moyens de Monsieur Claude-Louis Renard étant limités, j’ai proposé à Monsieur Pierre Dreyfus (le Président de Renault) d’acquérir, en complément de ce dont elle disposait déjà, des œuvres pouvant constituer un Fonds supplémentaire pour la future Fondation.

A l’époque, en 1974, j’ai proposé que Renault-Finance agisse pour le compte de la future Fondation. Avec l’aide de Monsieur Renard, et sur ses conseils, les œuvres ont été acquises directement auprès d’artistes tels que Dubuffet, Tinguely, Vasarely, Niki de Saint-Phalle, Arman ou Soto.

Ces achats, par Renault-Finance, ont été opérés en 1974 et début 1975. Ils auraient continué, si un évènement majeur n’était intervenu à ce moment là : le report par Monsieur Pierre Dreyfus de l’exécution du monument de Jean Dubuffet. Monsieur Dreyfus, apprenant que son mandat ne serait pas prolongé, n’a pas voulu mettre son successeur devant le fait accompli, d’autant plus que des difficultés techniques (étanchéité du socle du monument) et des oppositions internes nécessitaient des convictions profondes pour imposer à la maison l’érection d’un tel monument (1800 m2 au sol, 3,70 m. à 6 m. de hauteur).

Le projet de Fondation fut également reporté dans la foulée, Monsieur Dreyfus n’ayant plus le temps matériel de le mener à bien. De ce fait, les achats aux artistes furent arrêtés.

Les œuvres dites de « Fondation » se caractérisent à la fois par leur importance exceptionnelle dans l’œuvre de l’artiste, leur rareté et leur caractère de « repères » par rapport aux œuvres plus récentes acquises par « Recherches Art et Industrie ». Nous avons pu avoir accès à ces œuvres car la plupart du temps, nous avions déjà travaillé avec les artistes en question et établi des rapports de confiance. »

 

Liste des artistes dont une ou plusieurs œuvres ont été acquises par le Fonds  :

 

Arman : grâce à ce fonds nous avons pu acheter des Accumulations Renault que nous n’avions pu acquérir au moment de leur création faute de crédit.

Jean Dubuffet nous a permis de constituer un premier ensemble, sans équivalent, en nous cédant le Mur bleu, une œuvre majeure réalisée en 1967, quatre découpes matricielles de Coucou Bazar, ainsi que Parade Nuptiale et des sculptures provenant de sa collection personnelle. De plus, lors de l’exposition Jean Dubuffet au Centre National d’Art Contemporain de la rue Berryer, nous avons pu choisir sept Paysages Tricolores et Sites Castillans.

Antoni Tàpies : il n’avait pas pu faire partie du programme des intégrations mais sa présence nous paraissait indispensable. Nous avons donc eu l’opportunité d’acquérir cinq pièces pour le Fonds.

Jean Tinguely : nous avons eu la chance d’acquérir l’une des pièces monumentales de 1967 qui n’appartenaient pas encore à un musée: le relief Requiem pour une feuille morte complété par les trois sculptures qui lui sont liées Eos VIII, XII et Bascule V .

Niki de Saint Phalle : Dans le même esprit, fut achetée La Mariée de 1963, un relief particulièrement significatif de Niki de Saint-Phalle,

Victor Vasarely : nous avons pu choisir parmi un groupe d’oeuvres que Vasarely avait réservé pour ses Fondations, une série témoignant de ses principales recherches au cours de plusieurs périodes : Gordium, Siris-tek, Tonk, Tlinko, CTA 102

Julio Le Parc, Jesús Rafael Soto : afin de compléter les intégrations à l’architecture, nous avons acquis des ensembles représentatifs de Le Parc et Soto pouvant faire l’objet d’expositions à la Régie et dans différents musées.