Témoignage de Claude-Louis Renard :

 

« La première partie du programme « Recherches Art et Industrie » qui devait s’élargir à de nombreux sites de Renault en province et à l’étranger fut ralentie par les conséquences de l’arrêt de la construction du Salon d’Eté de Jean Dubuffet et le long procès qui s’ensuivit (1975-1983). Parallèlement, en 1975, une association loi 1901, « L’Incitation à la Création » fut créée pour prendre un nouveau départ. Subventionnée par Renault, mais moins directement liée à l’entreprise que le service « Recherches Art et Industrie », elle permettait de redéployer les activités vers l’extérieur de l’entreprise. Les sites de Sénanque puis de Montmajour furent choisis à cet effet. Les expositions de créations récentes issues de dotations se succédèrent de 1977 à 1987.

Mise en peinture de la Formule 1 , 1981 - photo: Guy Boulet Au début de 1985, le changement de Président de la Régie Renault survint brutalement, Bernard Hanon devant résilier ses fonctions. Dans un climat dramatique, face à des résultats économiques désastreux, le nouveau Président, Georges Besse, décida que toutes les activités, sans exception, qui ne lui paraissaient pas indispensables à la survie immédiate de l’entreprise, devaient être stoppées voire supprimées, y compris la Formule 1.

« Recherches Art et Industrie » fut définitivement arrêté dès le mois d’avril, et les crédits accordés pour l’année, bloqués. Il me fallut négocier, franc par franc, avec la Direction, le règlement aux artistes des sommes dues pour des travaux terminés ou en fin de réalisation, tandis que les contrats qui n’avaient connu qu’un début de réalisation ou qui étaient en discussion devaient définitivement être abandonnés.
Extrait d’interview de Christian Husson

 

A Boulogne-Billancourt, tout ce qui pouvait être rattaché à un passé récent souvent diabolisé, était rejeté ou subitement oublié. Les oeuvres d’art, en particulier, étaient devenues soudain très encombrantes, d’autant plus que les intégrations à l’architecture rappelaient déjà trop une activité condamnée. Pour diminuer les dépenses de conservation et de gestion, et par une décision sans doute avant tout symbolique, il fut décidé qu’au moins une partie des oeuvres, et en premier lieu les plus volumineuses, devaient disparaître du patrimoine Renault. Pour faire face à cette obligation, une solution fut imaginée, qui permettrait à la plupart de ces oeuvres de revenir à l’association « L’Incitation à la Création » qui continuait d’exister bien que Renault ait cessé tout financement. Ces oeuvres firent en effet l’objet d’une opération en deux parties. Dans un premier temps, elles furent rendues officiellement par Renault à leurs auteurs. Ensuite, les artistes pouvaient en faire don à l’association, ces oeuvres y conservant les mêmes servitudes que chez Renault (non revendables, exposées dans des locaux à vocation non publicitaire et non commerciale).

Pendant ce temps, grâce aux crédits antérieurement accordés que Renault nous permit d’utiliser, et à l’engagement de Bernard Hanon qui, malgré les circonstances, n’abandonna pas la Présidence de l’Association « L’Incitation à la Création », nous pouvions continuer notre activité dans l’Abbaye de Montmajour, en attendant de trouver un nouveau mécène. Parallèlement à l’exposition de Saura, la dernière présentée à Sénanque, nous avons montré à Montmajour les sculptures de Chillida, puis en 1986, celles de Tàpies et les nouvelles peintures d’Erró.

Ayant refusé une nouvelle affectation au sein de la Régie Renault qui aurait exclu tout contact professionnel avec le monde de l’art, j’avais cessé de faire partie du personnel à partir de janvier 1986. J’y conservais cependant un bureau et la Direction acceptait d’y laisser le siège social de l’Association « L’Incitation à la création » jusqu’à ce qu’une solution puisse être trouvée pour son avenir.

La Régie Renault ayant mis fin au financement de cette association, plusieurs personnalités (Pierre Dreyfus, Michel Guy, André Bénard…) nous ont aidés à essayer de trouver un nouveau partenaire. Des pourparlers eurent lieu avec différentes entreprises, avec les villes d’Avignon et d’Arles, et de manière très poussée avec la ville de Nîmes. Le Ministère de la Culture était bien évidemment mis au courant de la situation. Début 1988, seule la proposition de Jean Hamon s’est affirmée réalisable à court terme. Entrepreneur privé et collectionneur, il s’engagea à assurer la gestion, la conservation, à répondre aux demandes de prêt des œuvres et à préserver leur statut en accord avec les artistes. De 1988 à 1993, l’action engagée par Claude-Louis Renard d’attribution de dotations à des artistes continua à se développer à travers l’association « Recherche et Création » financée par Jean Hamon. »